Nous n’avons jamais eu autant de choix qu’aujourd’hui. Sur Internet, le 6 juin 2020 se trouvaient au moins cinquante cinq milliards de pages indexées. Selon la Fevad, le nombre de sites marchands actifs ne cesse d’augmenter. Parallèlement, les sites e-commerce proposent de plus en plus de produits et de services. Ce nombre croissant d’alternatives pourrait paraître être une chance pour les consommateurs. Ce n’est pas le cas. Les systèmes de recommandation nous apportent cependant des solutions !
Pour les consommateurs, il n’a jamais été aussi difficile de faire un choix
“Une des réactions les plus courantes des consommateurs face à un trop-plein d’informations est de renoncer à l’achat”
Spenner et al., 2017
Selon Engel, Blackwell et Miniard (1997), le processus décisionnel du consommateur se compose de cinq grandes phases : la reconnaissance du problème, la recherche d’informations, l’évaluation des solutions possibles, le choix (l’achat) et l’évaluation post-achat. Cependant, l’accroissement du nombre d’options a rendu certaines étapes plus difficiles…
La loi de Hick
La loi de Hick (1952) nous explique que plus le nombre d’alternatives est important plus le temps de prise de décision est élevé pour le consommateur. Or, plus le temps de prise de décision est élevé, plus le risque d’abandon est grand.


La surcharge cognitive
Un nombre trop important d’alternatives crée de la surcharge cognitive. Selon George Miller (1956), la surcharge cognitive apparaît lorsque les informations à traiter sont supérieures aux informations pouvant être retenues par la “mémoire de travail”. Il s’agit d’une mémoire à très court terme qui sert à retenir des informations dans le but d’un traitement immédiat. Une surcharge cognitive mène souvent à un abandon de l’activité ou à un échec. En effet, selon une expérience menée par Sheena Iyengar, “Une des réactions les plus courantes des consommateurs face à un trop-plein d’informations est de renoncer à l’achat” (Spenner et al., 2017).
Le paradoxe du choix
Dans son livre “The paradox of choice: Why more is less” , Barry Schwartz explique qu’avoir trop de choix a plusieurs effets négatifs pour les consommateurs. Ils peuvent être le regret anticipé, le coût de l’opportunité perdue, l’augmentation des attentes ou la culpabilité du mauvais choix. Tout cela pouvant mener jusqu’à la dépression.
Les systèmes de recommandation, comment ça marche ?
Les systèmes de recommandations sont des algorithmes hiérarchisant des éléments en utilisant des données récoltées sur les utilisateurs ou sur les éléments proposés afin de présenter aux internautes les produits ou services répondant le mieux à leurs attentes. Ils ont trois étapes clés : la récolte des données, le traitement des données par les algorithmes et la présentation des recommandations personnalisées.
1 – La récolte de données
Il est impossible de faire une bonne recommandation à quelqu’un si on ne connaît, ni la personne, ni les produits ou les services proposés. La collecte de données est donc indispensable. Gardez cependant à l’esprit que la collecte et l’utilisation des données sont de plus en plus réglementées.
Les données concernant les internautes
Les données concernant les utilisateurs sont des données utiles. Sur un site e-commerce, elles peuvent être récoltées explicitement ou implicitement. Lorsque l’utilisateur transmet des données volontairement, il s’agit de données transmises explicitement (par exemple les informations renseignées dans son profil, ses achats, ses commentaires…). Les données peuvent aussi être produites implicitement : l’utilisateur n’en a pas forcément conscience. Les cookies récoltent certaines de ces informations. Les sites e-commerce traquent généralement l’historique de recherche et de navigation de ses utilisateurs, c’est-à-dire, les produits consultés, les types de recherche, le temps passé sur le site, le temps passé sur une page en particulier…
Les données concernant les éléments proposés
Afin de pouvoir réaliser des recommandations, nous devons connaître les produits ou services et posséder des données exploitables sur l’inventaire ; et si possible sur les caractéristiques et attributs précis de chaque élément. Plus les données sont détaillées, plus la recommandation sera pertinente.
2 – Les algorithmes
Il existe différents types d’algorithmes de recommandation.
L’algorithme basé sur le contenu


Ce type d’algorithme se base sur les caractéristiques des produits ou services proposés. Il enregistre la satisfaction d’un utilisateur par rapport à un produit. L’algorithme se basera alors sur les caractéristiques des éléments appréciés par le consommateur en leur donnant un poids plus important dans le but de faire des recommandations futures encore plus précises. Une autre approche de cet algorithme peut être de proposer des produits complémentaires à ce qui a été acheté précédemment. C’est ce qu’on appelle le cross selling . Par exemple, après l’achat de chaussures en daim, l’algorithme proposera à l’acheteur un spray d’imperméabilisation ou un kit d’entretien pour chaussures. Dans ce cas, il faudra avoir des données sur chaque produit et ses produits complémentaires.
Les limites de ce type d’algorithme de recommandation est la recherche d’exploration car il ne propose rien de très différent des habitudes de consommation de l’utilisateur. De plus, pour l’utiliser il faut avoir assez de retours clients.
L’algorithme à filtrage collaboratif basé sur le contenu


Cet algorithme recommande aux utilisateurs les produits appréciés par les internautes ayant des goûts similaires.
L’algorithme à filtrage collaboratif basé sur les utilisateurs
Cet algorithme construit des groupes d’utilisateurs similaires pour réaliser des recommandations. Cette méthode nécessite cependant beaucoup d’activité sur la plateforme e-commerce.
L’algorithme hybride


Le filtrage hybride reprend les algorithmes présentés ci-dessus et combine les scores de ces derniers afin de faire une recommandation encore plus pertinente.
3 – La présentation des recommandations
La dernière étape des systèmes de recommandation est la présentation des suggestions. Elles peuvent être présentées sous différentes formes (emailing, page d’accueil du site, catalogue, push notification,…) et pour différents objectifs. Les recommandations peuvent être explicites (“ces produits recommandés pour vous”) ou implicites (sans mentions). Des recommandations implicites donnent l’impression aux utilisateurs de toujours trouver facilement leur bonheur sur le site marchand.
Les systèmes de recommandation, la solution pour une prise de décision simplifiée


Les systèmes de recommandation permettent de minimiser les freins rencontrés par les utilisateurs lors d’une prise de décision d’achat en ligne.
Diminuer le nombre de produits proposés
Dans un premier temps, les systèmes de recommandation permettent de diminuer le nombre d’alternatives. Comme nous l’avons vu précédemment, plus le nombre d’alternatives est élevé, moins l’achat est probable. Il est cependant risqué pour une plateforme e-commerce d’afficher un choix limité alors que l’inventaire est large. Un système de recommandation efficace peut permettre à la plateforme e-commerce de prédire précisément ce que l’utilisateur veut. Si les produits proposés ne sont pas trop nombreux et correspondent aux attentes de l’utilisateur, il ne pourra qu’avoir une bonne expérience et l’acte d’achat sera très probable. Cela lui permettra d’éviter la surcharge cognitive.
Diminuer le temps de recherche
Dans un second temps, grâce aux suggestions des systèmes de recommandation, l’utilisateur verra directement un nombre restreint de produits correspondant à son besoin. Cela permettra de réduire son temps de recherche et donc de diminuer les probabilités d’abandon ou de report d’achat.
Persuader
Les systèmes de recommandation peuvent aussi adopter certains principes clés de l’influence de persuasion décrits par Robert Cialdini (2007) tels que le principe de réciprocité, d’affection, d’autorité et de preuve sociale.
Être présent pour chaque type de recherche
Enfin, les systèmes de recommandation permettent de répondre à différents contextes. Ils peuvent répondre à une recherche d’exploration (des produits proposés en page d’accueil par exemple) ou à une recherche précise.
Netflix, le bon élève


“Si le secret de Starbucks est un sourire quand vous prenez votre café au lait, [le secret de Netflix] est que le site Web s’adapte au goût de l’individu.”
Reed Hastings
23% du trafic web français est dirigé vers Netflix. La plateforme de streaming est considérée comme l’une des meilleures en termes de recommandations et de personnalisation. En effet, plus de 80% des titres regardés les deux dernières années ont été choisis grâce au moteur de recommandation et non par une recherche spécifique. Netflix a ainsi troqué les notations classiques de ses produits par un pourcentage de recommandation propre à chaque utilisateur.
Comment fonctionne le système de recommandation de Netflix ?
Netflix a l’avantage de récupérer énormément de données de navigation. Elles peuvent être implicites ou explicites. Une donnée explicite peut être une mention j’aime sur un film. Une donnée implicite peut consister en un visionnage d’une série entière en une nuit. Les données implicites sont souvent les plus pertinentes.
Parmi les données récoltées par Netflix nous retrouvons notamment :
- les interactions avec la plateforme
- les choix des utilisateurs similaires en termes de préférences,
- les informations liées à chaque titre (son genre, son intrigue, son réalisateur, ses catégories, ses acteurs, sa date de sortie,…)
- Les moments de visionnage
- Les durées de visionnages
- Les appareils utilisés
Manuellement et chaques jours, des mots-clés sont associés aux contenus disponibles sur Netflix afin de définir des caractéristiques et ainsi pouvoir les associer à d’autres produits.
Les algorithmes de machine learning associent ensuite les données et le contenu. Ils apprennent en continu à partir du comportement des utilisateurs. Ils déterminent le poids des différentes données. Également, Netflix fonctionne énormément avec des A/B tests pour apprendre vite et prendre des décisions efficaces.
Plus de deux mille groupes de goûts regroupent les utilisateurs. Ces différents groupes influent sur les recommandations obtenues.
Plus que d’afficher une page d’accueil présentant des résultats personnalisés, Netflix adapte également les visuels utilisés pour représenter les titres. En fonction des données récoltées, pour un même film, plusieurs utilisateurs peuvent voir s’afficher un visuel différent. Ainsi, ce visuel peut mettre en valeur un acteur apprécié, une scène romantique, une course poursuite… Le but est de mettre en avant l’élément le plus susceptible d’interpeller l’utilisateur.


Des résultats à la hauteur
Carlos Gomez Uribe (2015), qui a travaillé près de sept ans pour le système de recommandation de Netflix, déclare que la mise en place d’un système de recommandation a été très bénéfique. Il a en effet constaté la diminution des annulations d’abonnement (de plusieurs points de pourcentage), la lifetime value des utilisateurs a augmenté et il ajoute que cela leur aurait permis d’économiser plus d’un milliard de dollars par an.
La crise sanitaire a amplifié le besoin de recommandations


Un changement de comportement des consommateurs
La crise sanitaire a radicalement changé le comportement des consommateurs. Les clients habitués à se rendre en magasin privilégient désormais les achats en ligne pour des raisons d’hygiène et en réponse aux mesures prises pour lutter contre la propagation du Covid-19. Ainsi, 74,6% des internautes américains souhaitent éviter les centres commerciaux 50 % des consommateurs chinois et 31 % des consommateurs italiens disent qu’ils utilisent désormais le commerce électronique “plus fréquemment”.
L’exemple du secteur de la beauté
Cette baisse de la fréquentation des points de vente physique est un problème pour le secteur de la beauté. L’approche sensorielle (c’est à dire, toucher, sentir, voir…) vis-à-vis de ce type de produits est importante. C’est un aspect absent en ligne. Ensuite, l’expertise des conseillères en magasin est un vrai “plus” mais qui n’est pas présent en ligne.
Les retailers ne se laissent pas abattre pour autant et s’adaptent en développant de nouveaux usages. Afin de fournir une meilleure expérience aux utilisateurs, un système de recommandation est ainsi indispensable. Les données récupérées en ligne comme en magasin sont alors exploitées. Les questionnaires de diagnostics sont une bonne solution rapide à mettre en place pour récolter des données et orienter les utilisateurs vers des produits pertinents. Pour aller plus loin et recréer l’expérience en magasin, plusieurs sites proposent désormais des chats pour obtenir des conseils. Ils peuvent être proposés avec un agent conversationnel, une conseillère ou avec d’autres utilisateurs (sous forme de chat communautaire).
Deciem met les internautes en relation avec des conseillers en magasin


En cas d’hésitation, un chat avec une conseillère beauté est disponible sur le site de Nuxe


Mac propose un chat communautaire : les utilisateurs se conseillent entre eux


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